La question de l’annulation de la dette publique des états membres détenues par la Banque centrale européenne (BCE) fait débat depuis un certain temps en Europe.
Depuis le début de la crise Covid, les états européens, comme les autres pays dans le monde, ont été contraints d’injecter des liquidités afin de protéger leur économie des conséquences de la crise sanitaire. Hausse des dépenses publiques et récession ont poussé les Etats à battre des records d’endettement.
En France, la dette publique frôle désormais les 120% du produit intérieur brut (PIB). C’est 20 points de plus qu’en 2019. En Italie, on en est à 160 %. Globalement, au niveau de la zone euro, la dette publique est de l’ordre de 100%. Il y a encore un an, ces chiffres n’auraient même pas été imaginés.
Annuler la dette publique et réinvestir dans l’économie
Aujourd’hui, l’idée de l’annulation de la dette fait son chemin en France, et pourrait constituer l’un des enjeux de l’élection présidentielle de 2022 : que faire du surcroît de dette publique contractée depuis le début de la pandémie de Covid-19 ? Faut-il la cantonner ? La remplacer par des obligations à très longue échéance, ou même perpétuelles ? Faut-il annuler celles rachetées par la Banque centrale européenne (BCE), qui détient plus du quart des dettes publiques de la zone euro ? Depuis quelques semaines, cette dernière proposition cristallise le débat entre les économistes.
Dans ce contexte, une centaine d’économistes ont lancé ce vendredi 5 février un appel à annuler les dettes publiques détenues par la BCE pour faciliter la reconstruction sociale et écologique après la pandémie de Covid-19.
Les Français (et les autres européens) ont découvert pour l’occasion que près de 25% de la dette publique européenne étaient détenue par leur Banque centrale. Pour la rembourser, les solutions ne sont pas infinies. Il faudra soit emprunter pour assurer son remboursement, soit augmenter les impôts, soit, autre possibilité, diminuer les dépenses.
Le chemin jusqu’à un assainissement des finances des Etats de la zone euro risque d’être long et difficile. C’est la raison pour laquelle l’idée de mettre les compteurs à zéro en annulant la dette accumulée depuis le début de la crise commence à séduire.
Le non-remboursement des créances accumulées permettra aux pays de réinvestir ce même montant dans la transition écologique et sociale. En conditionnant l’annulation de la dette publique à un réinvestissement, cela permettra de sauver l’économie européenne et contribuera à la réussite des plans de relance.
Belle idée. Mais certains eurodéputés sont inquiets des divisions que cela pourrait créer et d’autres doutent carrément de son intérêt.
Dette publique : une annulation inenvisageable
A l’hypothèse de l’annulation de la dette publique des pays de la zone euro, la réponse de Christine Lagarde, présidente de la BCE, a été sans appel : « Inenvisageable ! ».
Le premier argument invoqué est celui du droit : le traité de Lisbonne prévoit que la BCE est juridiquement indépendante des Etats et qu’il lui est interdit de les financer. L’annulation de la dette ferait donc voler en éclats ce principe et déboucherait sur une crise de l’euro aux conséquences potentiellement explosives. Cela pourrait mettre en cause la crédibilité même de la monnaie unique. Par ailleurs, annuler la dette publique pourrait aussi être perçu comme un précédent et compromettre pour des décennies la capacité d’emprunter de l’Europe.
Cette idée implique également que les Etats-membres acceptent de modifier les traités européens, décision qui nécessite une unanimité qu’il est peu probable de réunir aujourd’hui. L’Allemagne et les Pays-Bas, qui ont déjà consenti avec difficulté à une mutualisation des dettes pour mettre sur pied un plan de relance européen de 750 milliards d’euros, opposeraient le refus sans appel d’une annulation globale. Cela serait considéré comme un encouragement donné aux Etats les moins vertueux aux dépens des plus rigoureux.
Par ailleurs, le débat sur l’annulation de la dette publique parait d’autant plus inutile, qu’un Etat ne la rembourse jamais intégralement. Il émet de nouveaux emprunts pour couvrir ceux arrivés à échéance. L’unique vigilance doit porter sur la capacité du pays à assurer le paiement des intérêts de la dette. Or, aujourd’hui, avec la faiblesse des taux d’intérêt, autant dire que cette charge n’a jamais été aussi basse en proportion du PIB.
Pourquoi donc déclencher un séisme avec l’annulation de la dette, alors que la situation est pour l’instant pleinement gérable ?