40 % des salariés français se disent prêts à quitter leur emploi cette année.
Ils ont été plus de 46 millions à le faire aux États-Unis entre 2021 et 2022. La France enregistre quant à elle un peu plus de 1,2 million de démissions.
Selon la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) c’est un nouveau record.
Mais doit-on s’inquiéter de ce que les spécialistes appellent la grande démission ? Et quelles en seront les conséquences économiques ?
Comment expliquer la tendance haussière du nombre de démissions ?
Le phénomène est marqué par un nombre de démissions jamais observé auparavant. Cependant, le Big Quit, né aux États-Unis, n’est pas une surprise pour de nombreux économistes.
La situation de l’emploi n’est plus tout à fait la même qu’il y a cinq, dix ou même vingt ans.
Il est d’ailleurs intéressant de rapprocher la grande dépression avec le nombre de salariés qui déclarent vouloir quitter leur emploi.
Le monde du travail souffre depuis plusieurs années d’un mal illustré aujourd’hui par une vague massive de démissions.
Le covid n’a été finalement qu’un déclencheur psychologique pour les salariés souffrant de conditions de travail qui ne leur convenaient plus ou d’un poste qui ne leur apportait aucune satisfaction personnelle ou professionnelle.
Beaucoup de travailleurs ont réalisé à quel point leur industrie était volatile ou dangereuse pendant la pandémie, en particulier ceux qui travaillaient en première ligne comme les infirmières. Elles ont été 1300 à poser leur démission en 2021.
Un autre secteur qui souffre est celui de la restauration. Les restaurateurs rencontrent des difficultés à recruter malgré une hausse des salaires (2,5 %).
Grande démission : faut-il vraiment s’en inquiéter ?
La période post-covid marque également la reprise économique entrainant avec elle de nouvelles opportunités professionnelles. Il est donc plus facile pour un salarié de quitter son travail du jour au lendemain dans un contexte économique favorable au retour à l’emploi. C’est environ 8 démissionnaires de CDI sur 10 qui retrouvent un travail dès les premières semaines.
Une réflexion partagée par la DARES : « Le taux de démissions est un indicateur cyclique. Il est bas durant les crises et il augmente en période de reprise ».
De plus, le Big Quit aux États-Unis n’est pas tout à fait de même ampleur que sa version française.
La législation étant plus souple et un marché plus dynamique, les américains ont davantage tendance à quitter leur emploi que ne le font les Français.
Un autre indicateur intéressant est l’évolution du nombre de démissions depuis les 5 dernières années.
- 2016 : 1 025 000.
- 2017 : 1 292 000.
- 2018 : 1 510 000.
- 2019 : 1 525 000.
Depuis trois ans, le nombre de démissions est sensiblement le même autour de 500 000 demandes par trimestre soit environ 1,5 million. Si l’augmentation entre 2016 et aujourd’hui est non négligeable, cela représente tout de même moins de 3 % des travailleurs français.
Démissionner pour monter sa boite
Avec un statut de microentreprise très accessible, les créations d’entreprises ont littéralement explosé en 2021. Leur nombre atteint 995 900 créations, soit 17 % de plus qu’en 2020.
Le confinement aidant, les français ont pris les choses en main plutôt que d’attendre patiemment la fin de la crise pour démarrer une nouvelle vie. 50 % des jeunes déclarent même que monter leur boite est un objectif à moyen terme. L’entrepreneuriat à la cote et c’est le moins que l’on puisse dire. C’est aussi lui qui semble le mieux répondre aux aspirations de la nouvelle génération et des générations précédentes.
Le salaire n’est plus la seule motivation. Les salariés veulent travailler dans des boites qui partagent des valeurs communes et offrent des conditions de travail à la hauteur de leurs attentes. Le sens vient remplacer petit à petit des tâches inutiles, superficielles et vides effectuées dans bon nombre de métiers notamment dans le secteur tertiaire.
Le brown out est un nouveau concept qui a fait son apparition dans le paysage de l’emploi. Il s’agit d’un salarié qui ne comprend pas son travail ou marque une incompréhension de plus en plus prononcée par rapport aux finalités de son poste.
Devenir entrepreneur est considéré par beaucoup comme une porte de sortie convenable pour se créer un métier sur mesure.
Reconversion professionnelle, création d’entreprise, projet humanitaire… Il est important de rappeler toutefois que les raisons de poser sa démission sont nombreuses et toutes ne sont pas à mettre à la charge des entreprises. L’ère du numérique crée simplement plus d’opportunités que ce n’était le cas il y a quelques années en arrière.
Réinventer le marché du travail pour diminuer les demandes de démissions
Avec un taux de chômage à 7,4 %, la grande démission n’est finalement qu’un phénomène économique à relativiser.
La numérisation qui touche la majorité des secteurs dans notre pays a transformé le monde du travail. Le métier de caissière est aujourd’hui plus que menacé, encore impensable il y a dix ans de cela.
Trouver un travail n’est pas plus compliqué que de le quitter. C’est en tout cas ce que semble nous montrer la Great Resignation made in France.
En France, le PIB a progressé de 0,5 % au deuxième trimestre. L’économie ne parait donc pas très inquiétée par le demi-million de démissionnaires chaque trimestre.
En revanche, ce sont les entreprises qui vont devoir faire face à un turn-over là aussi record avec des départs et des arrivées plusieurs fois par an.
Le nombre élevé de démissions s’explique par une économie qui repart après deux ans de blocage lié au covid. Les salariés ont donc tendance à se poser moins de questions et prendre davantage de risques pour trouver un emploi qui donne un sens à leurs efforts.
Inquiétant ou non, il est encore trop tôt pour le dire. Les résultats économiques permettent toutefois de rassurer les entreprises quant à un phénomène parti pour durer encore quelques années.