Les propriétaires de résidences Pierre et Vacances perdent patience. 740 d’entre eux viennent d’intenter une action contre le premier groupe européen des résidences de loisir pour obtenir le règlement des loyers que Pierre et vacances ne leur a pas versé pendant plusieurs mois. Un dossier épineux dont le groupe se serait bien passé.
Pierre et Vacances : des loyers garantis
Pour les investisseurs, devenir le propriétaire d’un appartement ou cottage avec pierre et vacances avait bien des avantages. Et pour cause : en achetant un bien dans une résidence Pierre et vacances, le propriétaire accordait un bail exclusif au groupe de loisir, qui se chargeait de toute la gestion locative. Inutile de chercher des vacanciers pour rentabiliser votre investissement. Le locataire unique était Pierre et Vacances, qui se chargeait de tout. Grace à cela, les heureux propriétaires bénéficiaient de 10 ans de loyer garantis, que les résidences soient occupées ou pas. Toutes les charges, à l’exception des charges de copropriété courante et d’entretien et hors impôts fonciers étaient supportées par le groupe. Le propriétaire pouvait en disposer pour son propre confort à une période de l’année. Pour le reste, Pierre et vacances se chargeait de le louer à des vacanciers et affichait des taux d’occupation défiant toute concurrence. A la fin du bail, ce dernier était reconductible pour 9 ans, choix pour lequel optait 80% des propriétaires. Sauf que la pandémie de coronavirus a fait dérailler la machine.
Suspension des loyers
Acculé par les mesures de confinement, Pierre et Vacances n’est plus en mesure d’assurer le versement des loyers et suspend tous les versements, comme il l’avait déjà fait lors du premier confinement. Un choc pour les propriétaires pour qui cela constituait une source conséquente de revenus. Avec la crise sanitaire, ceux du groupe fondent peu à peu. La pandémie l’a contraint de fermer la quasi-totalité de ses 26 sites Center Parcs en Europe. Son activité est divisée par deux sur les trois derniers mois de 2020. En grande difficulté financière, le groupe fondé en 1967, sort d’un exercice 2019/2020 (clos le 30 septembre 2020) exsangue. Le chiffre d’affaires accuse une chute de 22,4% à 1,298 milliard d’euros. Le résultat net plonge avec une perte avant impôts de 328,3 millions d’euros (contre 1,2 millions de bénéfices lors de l’exercice précédent). Et les analystes ne sont guère optimistes pour la suite. Entre octobre et décembre, le premier trimestre de l’exercice en cours, le chiffre d’affaires s’est établi à 141,7 millions d’euros, contre 334,5 millions d’euros pour la même période l’année dernière. Une sacré différence. Le cours de l’action s’enfonce. Alors qu’en février 2020, elle culminait à un peu plus de 30 euros, elle peine aujourd’hui à se maintenir à 12 euros.
Force majeure
Devant cette crise sans précédent, Pierre et Vacances demande une mesure de conciliation durant laquelle il aucun loyer ne sera versé. Pour les propriétaires, c’est hors de question. Le groupe est engagé par contrat. Ils demandent donc devant le tribunal judiciaire de Paris le règlement de tous les loyers impayés depuis le premier confinement en mars dernier. Selon le texte de l’assignation délivrée jeudi au groupe, les propriétaires au sein des Center Parcs des domaines des « Trois Forêts », « du Bois aux Daims », des « Bois Francs » et des « Hauts de Bruyère » souhaitent voir la société exploitante des cottages être condamnée à payer ces deux mois et demi de loyers. Cela représenterait quelque 2,2 millions d’euros, soit environ 2.000 à 3.500 euros par propriétaire. Plusieurs procédures contentieuses en plus de celle-ci seraient en cours. Du côté de Pierre et Vacances, on invoque le cas de force majeur que représente le confinement. Le groupe compte sur la procédure de conciliation amiable afin de discuter avec ses créanciers, alors que sa dette a bondi à 330,6 millions d’euros, dont 240 millions d’euros de prêt garanti par l’État, contre 130,9 millions un an auparavant.
« Tout le monde doit faire un effort »
Pour Franck Gervais, qui a pris en début d’année la direction générale de Pierre et Vacances, les temps sont difficiles. Cet ancien d’Accor a pris les reines de l’entreprise à un moment de tension extrême. « Nous ne sommes pas contre les propriétaires. Nous sommes dans le même camp. Le modèle économique a fonctionné pendant 50 ans. Le groupe a toujours respecté ses engagements. En 2020, nous avons honoré le versement des loyers, sauf pendant les périodes de fermeture administrative. Aujourd’hui, la crise dépasse tout le monde », a-t-il déclaré à l’Echo Touristique. Il est vrai que Pierre et Vacances a du mettre au chômage technique 90% de ses équipes. Franck Gervais entend aujourd’hui trouver une solution à l’amiable et considère que « tout le monde doit faire un effort ». Pas sure que ce discours soit bien accueilli chez les épargnants qui ont investi dans le groupe avec confiance.
Pendant ce temps, le groupe a choisi d’ouvrir les trois-quarts de ses résidences pour les vacances de février et espère sauver la saison. Sur France Info, il précisait le 12 février, Franck Gervais disait s’attendre à un taux d’occupation de l’ordre de 30%, contre 90% atteint normalement en cette période. Comme il le précisait lors de son entretien avec l’Echo du Touristique, « Le problème n’est pas d’ouvrir ou pas, mais d’avoir des clients ».