A qui profite le crime ? Au-delà des accusations que ne manquent pas de s’échanger les deux camps de la guerre en Ukraine, les fuites des gazoducs Nord Stream préoccupent très sérieusement les dirigeants européens. Ces dernières sont-elles susceptibles d’aggraver la crise énergétique ?
En effet, c’est peu dire que la tension a monté d’un grand cran après la découverte de ces fuites. L’OTAN a d’ores et déjà officiellement affirmé que qu’elles étaient dues à un sabotage et a prévenu : l’organisation militaire a averti jeudi qu’elle riposterait à toute attaque contre les infrastructures critiques de ses 30 pays membres.
Dans un communiqué commun, les ambassadeurs de l’OTAN ont averti que « toute attaque délibérée (…) ferait l’objet d’une réponse unie et déterminée ». Et même s’ils se sont abstenus de désigner un coupable, c’est bel et bien la Russie qui est pointée du doigt.
Crise énergétique : quelles conséquences sur les marchés?
Concrètement, deux des fuites concernent le pipeline Nord Stream 1. Ce dernier court de la Russie vers l’Allemagne. Mais Vladimir Poutine a récemment décidé de le fermer afin d’augmenter la pression énergétique sur l’Europe. Les deux autres sont sur Nord Stream 2, qui n’a jamais été utilisé.
Ne nous trompons pas. Ce n’est pas parce que les deux gazoducs n’étaient pas (ou plus) utilisés au moment où les fuites ont été découvertes que ces dernières ne sont pas de nature à renforcer la crise énergétique.
Une telle situation contribue à renforcer la nervosité des marchés dans un contexte où le prix du gaz a grimpé en flèche. La preuve, ces derniers jours, après la découverte des fuites, il a encore bondi de 12,8 % à près de 210 euros.
De fait, la crainte de dommages supplémentaires aux infrastructures européennes a accru la pression sur les prix du gaz naturel, renforçant encore la crise énergétique.
Questions sur le niveau de stockage
Pour compenser le gaz russe, les pays européens ont décidé de se tourner vers d’autres zones d’approvisionnement comme les Etats-Unis, le Qatar, ou bien encore l’Algérie. Mais concernant la stabilisation des prix (et a fortiori leur décrue), rien n’y fait.
Certains analystes parlent désormais de véritable guerre de l’énergie qui pourrait rendre l’Europe encore plus dépendante de pays comme la Chine qualifié d’ailleurs par le Financial Times de bouée de sauvetage de l’Union européenne engluée dans la crise énergétique que nous connaissons aujourd’hui.
C’est que cette dernière tente actuellement d’assurer ses stocks en prévision de l’hiver. les États membres ont reçu l’ordre de remplir leurs installations de stockage de gaz à au moins 80 % de leur capacité d’ici début novembre pour leur donner les meilleures chances de passer les mois d’hiver.
En France, le gouvernement assure qu’il n’y aura pas de coupure de gaz, les stocks étant suffisants pour passer l’hiver. Toutefois, en cas de températures très froides, des risques de tension pourraient, toutefois, exister.
Une part russe qui chute à 9 %
Rappelons qu’en 2021, la Russie a fourni 45 % des importations totales de gaz de l’Union européenne, soit environ 155 milliards de mètres cubes, avec plus d’un tiers transitant par Nord Stream 1. Aujourd’hui, selon Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, cette part sera tombée à seulement 9 %.
Le problème est que si l’UE sort de l’hiver 2022 avec un stockage épuisé, elle sera en difficulté pour la prochaine saison froide. De quoi la mettre à nouveau dans une position très délicate en 2023 à partir de niveaux potentiellement qui seront beaucoup plus bas. Une sorte de cercle vicieux qui, loin de permettre de sortir de la crise énergétique actuelle, pourrait finalement l’aggraver encore plus.
Du coup, la Commission a appelé les États membres à réduire volontairement leur consommation de gaz de 15 % au cours des prochains mois. Un appel qui concerne tant les entreprises que les particuliers.
Les possibilités d’une crise systémique
Les conséquences de la crise énergétique sur ces derniers pourraient d’ailleurs être drastiques. Dans une lettre adressée à la Banque de France, plusieurs associations, dont la Fondation Abbé Pierre, alertent contre un risque de défaillance des ménages.
« Avec la hausse des prix de l’énergie, les ménages sont confrontés à des contraintes budgétaires croissantes qui peuvent affecter leur capacité à faire face à leurs obligations de remboursement de prêts et crédits immobiliers, entraînant des retards de paiement, voire des situations de défaut. Si les défauts de paiement sur les crédits immobiliers prenaient une ampleur systémique, le secteur bancaire pourrait être confronté à une crise de stabilité financière», affirment ces dernières.
Incontestablement, la crise énergétique, dont il est impossible de prédire la fin, n’a pas fini d’inquiéter.