Jérôme Fournel, patron de la direction générale des Finances publiques explique : les contrôles fiscaux, qui avaient été suspendus pendant la crise, et les recouvrements forcés, partiellement stoppés, ont repris l’an passé.
Et l’effet a été immédiat avec l’enregistrement de 60 % de recettes en plus pour le redressement fiscal des entreprises.
Longtemps couverts par le flou de la crise sanitaire, les fraudeurs n’ont pu continuer de passer sous les radars des agents chargés de la vérification des comptes des entreprises, du contrôle et des déclarations de revenus des entreprises sur le territoire français.
Fraude fiscale, vers la fin de l’eldorado pour les escrocs du quoi qu’il en coûte ?
Fausse déclaration aux impôts et fonds de solidarité, un système bien ficelé
Ceux qui cherchent à échapper à l’impôt ont encore été très nombreux ces dernières années. La raison ? Un fonds de solidarité covid versé de manière très généreuse sans contrôle suffisant sur la situation individuelle de chaque entreprise.
Dès le début de la crise sanitaire, l’État et les Régions ont mis en place un fonds de solidarité pour prévenir la cessation d’activité des petites entreprises et des indépendants particulièrement touchés par les conséquences directes de la fermeture d’établissements ou du ralentissement économique généralisé.
Fraude fiscale France : une facture multipliée par trois
Ainsi le grand patron de la direction des Finances publiques vient d’annoncer le nombre de dossiers concernés par la fraude fiscale. 4.100 dossiers ont été transmis à la justice pour la seule année 2021. Cela représente un total trois fois supérieur à la normale.
Pour rappel, la fraude fiscale concerne trois procédés principaux visant à échapper à l’impôt :
- ne pas déclarer dans les délais ;
- cacher des biens ou des revenus soumis à l’impôt ;
- se rendre insolvable.
Concernant la fraude au fonds de solidarité, nous sommes bien dans le second cas.
Escroquerie au fonds de solidarité : la dérive illustrée par la condamnation d’un influenceur
Le 15 juin dernier, un influenceur soupçonné d’un détournement de l’aide covid à hauteur de plusieurs millions a été condamné à 7 ans de prison et 100 000 euros d’amende.
Il est le symbole d’une dérive débutée dès les premiers mois du plan de solidarité aux entreprises.
De nombreux entrepreneurs mal intentionnés ont ainsi escroqué les impôts de plusieurs millions d’euros. Les premiers résultats d’enquêtes des agents de contrôle portent leurs fruits puisque l’État a d’ores et déjà récupéré plus de 11 milliards d’euros, particuliers et entreprises confondus.
Comment lutter efficacement contre l’évasion fiscale en France ?
Il existe actuellement plusieurs dispositifs efficaces pour lutter contre la fraude fiscale sous toutes ses formes.
Mais force est de constater que cela ne suffit pas. Chaque année, ce ne sont pas moins de 100 milliards d’euros qui échappent à l’État. Si les deux dernières années ont été marquées par une fraude au fonds de solidarité, le mal est plus profond.
On estime que l’État ne récupère que 10 % du montant total de fraude fiscale en France.
Faut-il baisser les impôts ?
C’est une remarque qui peut s’entendre, mais qui génère de nombreux problèmes. Cette solution consiste simplement à baisser les impôts pour contenir la fraude fiscale. Le débat cristallise toutes les tensions. En effet, baisser les impôts c’est aussi baisser les recettes de l’État et donc potentiellement dégrader les services publics. Il faudrait alors repenser tout un système fiscal pour maintenir un niveau d’impôts suffisant sans que la population ait le sentiment de subir une pression fiscale trop importante ni même de voir les hôpitaux et autres services de l’État impacté.
Supprimer les paradis fiscaux ?
Là aussi, la question est épineuse. On ne peut obliger un État à respecter les mêmes règles fiscales que les nôtres. Les paradis fiscaux sont souverains sur leur territoire. De plus, certains États comme les pays du Golf arrivent à générer d’autres ressources leur permettant de baisser les taxes et impôts voire de les supprimer totalement. Ce n’est pas le cas de la France.
Intelligence artificielle et fraude fiscale, frapper vite et fort
Plus la fraude est détectée rapidement et de manière récurrente, moins les fraudeurs fiscaux pourront camoufler leurs ressources. L’ouverture de comptes à l’étranger ou la création de sociétés offshore demande du temps et des moyens, l’administration française doit être capable de repérer les mouvements financiers suspects rapidement.
Et la solution pourrait bien venir de l’IA. L’intelligence artificielle se met au service de la lutte contre la fraude fiscale. Avec l’autorisation de l’exploitation des données des contribuables, les contrôleurs du fisc disposent désormais d’une arme redoutable pour repérer les tricheurs.
Les données sont récoltées, analysées et recoupées avec les déclarations d’impôts sur les sociétés ou sur le revenu. Les logiciels sont ensuite capables de trouver les incohérences pour signaler une suspicion de fraude de manière quasi instantanée là où le cerveau humain prendrait des jours voire des semaines pour arriver au même résultat. C’est une avancée significative pour alerter à temps. Un outil qui aurait été bien utile pour signaler les fraudes [au fonds de solidarité] covid et mettre fin à l’escroquerie massive observée entre 2019 et 2021.
Il faudra pour cela compter également sur la dématérialisation des documents. Aujourd’hui encore, les factures et pièces justificatives sont réalisées sur papier ce qui pose un réel problème pour encoder les données. L’État doit donc encourager les contribuables particuliers et plus particulièrement les entreprises à se tourner vers la digitalisation de leur activité et la dématérialisation de leurs documents comptables et administratifs.
L’État peut tirer profit de la technologie pour lutter encore plus efficacement contre la fraude fiscale. Mais le mal pourrait aussi être traité à la racine avec une communication qui porte sur l’importance de payer ses impôts et le risque de voir les recettes de l’État français spolié par une minorité de fraudeurs.