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Fiscalité : la théorie du ruissellement mise en défaut

La théorie du ruissellement est revenue à la une de l’actualité, lorsque le nouveau président américain Joe Biden a annoncé qu’il était temps d’y mettre fin. Il enterrait ainsi une théorie issue des années Reagan. Si la démarche parait audacieuse aux Etats-Unis, elle semble l’être tout autant de notre coté de l’atlantique ou cette théorie fiscale s’est bien implantée, notamment en France. A tort ou à raison.

Théorie du ruissellement : recette efficace ou mythe

Le postulat de base de la théorie du ruissellement repose sur un postulat séduisant. Une réduction de la taxation des plus aisés profite à toute la population et, in fine, aux plus pauvres. Les bénéficiaires sont censés réinjecter leur surplus de revenus dans l’économie grâce à l’accroissement de leur consommation et le recyclage de leur épargne dans l’investissement.

Cependant, en réalité, aucune étude sérieuse n’est jamais venue valider cette théorie du ruissellement. « L’économie du ruissellement s’est révélé être un canular cruel », a écrit l’économiste américain Robert Reich, secrétaire d’Etat au Travail sous la présidence Clinton. Pourtant, l’idée continue depuis des années d’inspirer les politiques fiscales dans le monde entier, notamment en France.

Arnaud Parienty, professeur agrégé de sciences économiques et sociales, et rédacteur des ouvrages sur le sujet, analyse cette théorie comme un mythe, c’est-à-dire une construction imaginaire largement partagée. Pour lui, elle n’a rien d’une théorie, mais s’apparente plus à une croyance sans aucun fondement. Aucune école de pensée ne s’en réclame, aucune étude universitaire n’en parle. Tout repose sur des mécanismes vagues, jamais vérifiés, qui voudraient qu’en baissant les impôts, les plus riches vont accroître leurs dépenses et leurs investissements.

La théorie du ruissellement est revenue en France dans l’actualité en 2017, lorsqu’Emmanuel Macron décida de supprimer en partie l’impôt sur la Fortune (ISF), une décision qui lui a valut à l’époque, et lui vaut encore, le qualificatif de président des riches. Tout en réfutant toute volonté d’adopter cette théorie, il en expliquait pourtant les bénéfices. Il affirmait ainsi çà cette époque : « Pour que notre société aille mieux, il faut des gens qui réussissent ! […] Je ne crois pas au ruissellement, mais je crois à la cordée. » Le président de la République remplaçait ainsi une image par une autre, celle du ruissellement par celle des premiers de cordée. Pour défendre la même politique. Mais est-ce aussi simple que cela ?

Une théorie qui ne s’applique pas dans la réalité

La semaine dernière, c’est à un enterrement de première classe que l’on a assisté. Joe Biden a, en effet, en quelques mots enterré le mythe de la théorie du ruissellement chère à Ronald Reagan, Margaret Thatcher et Emmanuel Macron, selon laquelle l’allégement fiscal des plus riches stimulerait l’économie et profiterait aux plus pauvres.

Lors de son premier discours présidentiel devant le Congrès, Joe biden déclarait : «La théorie du ruissellement n’a jamais fonctionné. L’économie doit marcher du bas vers le haut, du milieu vers l’extérieur.»

Dans un discours tourné vers les classes populaires et moyennes, il martelait : « Mes compatriotes, la théorie du ruissellement économique n’a jamais fonctionné… 20 millions d’Américains ont perdu leur emploi pendant la pandémie alors que 650 milliardaires ont augmenté leur richesse de 1000 milliards de dollars ».

Une étude publiée fin décembre par le Kings College de Londres apporte un soutien à l’argument selon lequel cette théorie n’a jamais apporté les effets escomptés. Alors que les impôts des plus aisés ont reculé dans les économies développées au cours des 50 dernières années, les effets de ces mesures ne se retrouvent nulle part, ni au niveau des performances du pays, du taux de chômage ou du PIB par habitant.

Supprimer un impôt dans l’espoir de voir les revenus économisés servir au plus grand nombre est parfaitement aléatoire. Toutes les études tendent à démontrer que la réponse à la baisse des impôts est assez faible.

Alors qu’au Etats-Unis, on tourne le dos à la théorie du ruissellement, la France se trouve en décalage complet. A un an de la présidentielle, en pleine crise sanitaire et sociale, et alors que les Etats-Unis amorcent un virage idéologique inattendu, le locataire de l’Elysée n’envisage pas de mettre au placard son costume de « président des riches ».

Pourtant, donner de l’argent aux riches n’a jamais aidé l’activité. Même le FMI, considéré comme le temple du néolibéralisme, l’a constaté dans une étude datant de 2015. On peut ainsi y lire : « Nous constatons que l’augmentation de la part du revenu des pauvres et de la classe moyenne augmente la croissance, tandis qu’une augmentation de la part du revenu des 20% supérieurs entraîne une croissance plus faible – c’est-à-dire que lorsque les riches s’enrichissent, les avantages ne se répercutent pas sur le revenu. »

Pour autant, la France ne semble pas vouloir, pour le moment tout au moins, changer de direction dans sa politique fiscale, alors qu’on se rapproche d’une période électorale.

La très forte exposition de ce débat aux Etats-Unis n’est pas une bonne affaire pour le gouvernement français qui risque d’avoir du mal de justifier ses choix, envers et contre tous. Ce débat représente du pain bénit pour ses opposants. Il faut cependant rappeler que la situation fiscale entre les deux pays est très différente et que l’imposition est beaucoup plus forte en France qu’elle ne l’est au Etats-Unis.

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