Epargnants français et finance responsable, je t’aime moi non plus ? Sur le papier la cause est pourtant entendue. Selon une étude Finansol parue en juin dernier, l’encours global du marché de la finance solidaire a dépassé les 20 milliards d’euros fin 2020, en augmentation de 33 % sur un an. C’est dire si tous les voyants semblent donc au vert. Enfin, presque.
Le Baromètre de l’épargne OpinionWay/La Banque Postale/Cashebee, publié le 5 juillet, montre que les critères ESG (Environnementaux, Sociaux, et de Gouvernance) sont loin de constituer une priorité pour les épargnants.
Quand il s’agit d’effectuer des choix de placement, la majorité de ces derniers privilégient en priorité la sécurité, la rentabilité, la liquidité et la simplicité du produit.
Finance responsable, cette inconnue
Dans le détail, il s’avère que 2 Français sur 3 n’ont jamais entendu parler de la notion d’épargne responsable. Et ils sont 4 Français sur 5 à déclarer ne pas détenir de produits de type ISR (investissement social et responsable).
Plus de 70 % d’entre-eux ignorent si le rendement d’un placement ISR est inférieur à celui d’un placement traditionnel ou croient savoir qu’il l’est effectivement. Pire, ils se méfient des produits de finance responsable dont ils doutent de l’efficacité, de la sincérité, et de sa rentabilité. Ils sont même 33 % à penser que l’ISR n’est finalement qu’un habillage marketing. Pas franchement de quoi les faire changer d’avis sur le sujet.
Pour être convaincus en matière de finance responsable, les Français réclament deux choses. Parce qu’ils restent finalement peu connus, les produits ISR nécessitent avant tout la mise en œuvre d’une véritable pédagogie autour de ces derniers. Mais cela n’est pas suffisant. Il faut également mettre en place un instrument de mesure, méthodologie incontestable qui permettra aux épargnants d’évaluer leur impact social et environnemental.
De plus, les Français souhaitent également disposer d’une réassurance sur le rendement. Pratiquement 25 % des personnes interrogées estiment que la rentabilité des produits de finance responsable est inférieur aux placements traditionnels. Une évaluation qui, toutefois, ne repose sur aucune étude sérieuse.
Des préjugés à battre en brèche
De ce point de vue, les Français semblent souffrir de préjugés. Une étude publiée en 2020 par l’Ecole Polytechnique et le Forum pour l’Investissement Responsable indique que 62 % des fonds ISR ont superperformé sur l’ensemble des actifs (actions, obligations, fonds diversifiés, fonds monétaires), hors fonds immobilier.
De plus, la tendance est clairement en faveur des fonds responsables. Il existe désormais plus de 2 000 fonds de ce type dans le monde, soit une hausse de 18 % depuis l’année dernière. Mieux, ils ont quasiment doublé depuis la fin de l’année 2019.
La barre des 1 000 milliards de dollars franchie
L’augmentation rapide du nombre de fonds responsables au cours des dernières années s’explique ainsi : les gestionnaires d’actifs ne cessent de proposer de nouvelles offres pour répondre à la demande en forte hausse des investisseurs désireux d’avoir des portefeuilles prenant en compte les enjeux du le réchauffement climatique.
Il en a résulté une multiplication des produits de finance responsable lancés par les gestionnaires de fonds, tant en matière de gestion passive qu’active. Résultat : pour la première fois, la barre des 1 000 milliards de dollars d’actifs a été franchie, soit une multiplication par onze en cinq ans.
Une révolution en cours
Bref, les fonds ISR sont en train de s’installer durablement dans le paysage financier mondial. Si bien que certains spécialistes prédisent désormais que l’investissement financier du futur sera durable ou ne sera pas. Exagération ? Pas forcément.
Dans une tribune publiée le 8 juillet dernier, Saker Nusseibeh, président des activités internationale au sein du cabinet de gestion américain Federated Hermes, estimait que « la finance responsable n’est pas une bulle prête à éclater. Il s’agit d’une transition économique et sociétale – voire d’une révolution – qui est essentielle à la création de richesse à long terme pour les investisseurs et à la santé de notre planète. »